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Face à la multitude de raccourcis réservés par les navigateurs et les lecteurs d'écran, il n'existait pas de combinaison de touches satisfaisante pour toutes les situations. Ce sera bientôt chose faite, grâce à un clavier "Dragonium", à brancher en USB en complément de votre clavier habituel. Une véritable usine à gaz Cela fait maintenant 3 ans que Dragonium s'est doté de raccourcis claviers efficaces, pour effectuer rapidement une trentaine d'actions. Ces raccourcis doivent répondre à trois critères : - Ils doivent être ergonomiques. Ils ne doivent pas comporter plus de 3 touches, comme par exemple Control, Alt et une lettre. Sinon il faudrait être un poulpe pour pouvoir les composer. - Les touches doivent être regroupées par zone de fonction et, si possible, logique. Pas question de mettre le déplacement à l'Ouest sur le A et le déplacement à l'Est sur le P. - La combinaison de touches doit être libre pour le navigateur et pour le lecteur d'écran. Sur PC sous Windows ou Linux, sur Mac, il faut que ça fonctionne. On pré-sélectionne des zones de touches et on les teste, grâce à la participation de joueurs déficients visuels, qui équipé de Mac, qui avec NVDA, qui avec Jaws, vérifient que les combinaisons pré-sélectionnées sont libres et fonctionnent sans entraver la bonne marche du lecteur d'écran et du navigateur. Si une combinaison de touches est déjà réservée, il faut en choisir une autre. Et le plus souvent, pour garder la cohésion de l'ensemble, il faut changer toutes les combinaisons du bloc de touches : on ne va pas faire Control+Alt+ une lettre pour tous les déplacements sauf un qui aura Control+Shift+ une lettre, parce que Control+Alt sera pris par le navigateur pour cette lettre-ci. Les combinaisons sont alors testées à nouveau jusqu'à ce que ça fonctionne pour la totalité. Une fois les touches sélectionnées, on crée le profil dans un fichier JavaScript et on l'ajoute sur la page des options pour le rendre accessible. On le teste une dernière fois pour s'assurer qu'il n'y a pas de bugs, et c'est parti ! Oui mais... AZERTY français, AZERTY belge, QWERTZ suisse, QWERTY américain, QWERTY canadien, rien qu'avec les claviers courants, on a de quoi s'y perdre. Alors quand il s'agit d'afficher les combinaisons dans le menu Options, il faut faire un profil par clavier. Un exemple ? Sur un clavier AZERTY français, le trait d'union est sur la touche 6, et le trait de soulignement sur la touche 8. Chez nos amis belges qui ont aussi un clavier AZERTY, la touche 6 porte le caractère § et la touche 8 se voit dotée du point d'exclamation. Le problème se pose lorsque pour se déplacer au Sud-Est, il faut faire Alt+point d'exclamation pour les français. Les belges devront faire Alt + égal. Des subtilités locales qui complexifient suffisamment les choses pour qu'on rêve d'une uniformisation mondiale des claviers ! Le choix du clavier Ça fait du bien de rêver, ça ouvre l'esprit. Et comme dans l'association Zyzomis, on n'a pas beaucoup de moyens mais on a plein d'idées, j'ai rencontré Nicolas Huchet de My Human Kit, un fablab qui développe des solutions pour tous les types de handicaps. C'était au Stunfest, à Rennes, en 2019. Il m'a dit que c'était possible, avec une petite carte Rapsberry Pi, de simuler un clavier USB, et avec quelques boutons, fabriquer un clavier que l'on programmera selon les besoins. J'ai aimé l'idée, je m'y suis penché un peu plus. Le principe, c'est donc d'avoir un clavier avec des combinaisons de touches bien tordues (Control + Alt + Shift + F3) qui ont peu de chances d'être utilisées par des navigateurs et des lecteurs d'écran, car pas du tout ergonomiques. L'avantage d'un clavier universel avec une seule touche à presser pour les gens ayant un handicap physique (par exemple, une seule main), c'est que c'est nettement plus facile qu'un Control+Alt+ autre chose, et plus rapide aussi. Mais le problème est que pour produire ce genre d'outil, ça demande un gros travail de recherche et développement, un certain investissement pour la fabrication des prototypes (électronique, connectique), et énormément de temps. Temps de soudure des nombreux boutons et autres composants, temps de programmation, temps de fabrication du boîtier (conception du fichier pour découpe laser en fablab, fabrication des prototypes, retouches). Ça fait donc beaucoup de temps et pas mal d'argent aussi, finalement. J'ai laissé le projet dans un coin de ma tête, mais pas trop loin, jusqu'au jour où j'ai découvert un fabricant de claviers. Et pas n'importe lesquels. Il s'agit de claviers pour caisses enregistreuses. Les gens de ma génération (ceux qui ont connu l'informatique avant le tactile) se souviennent peut-être des caisses avec de gros boutons rectangulaires et des fonctions pré-programmées. Je me souviens de cafétérias avec ce genre de boutons où le caissier appuyait juste sur le plat choisi. Et le Lidl de ma ville avait encore l'année dernière ce genre de clavier avec une serrure dans le coin, où le superviseur venait glisser sa clé pour accéder à des fonctions spéciales.  C'est sur ce genre de modèle que s'est porté mon choix. C'est solide (les touches ont une durée de vie supérieure à 10 millions de frappes, selon le fabricant) et c'est à un prix pas beaucoup plus cher que si je devais tout faire moi-même, sauf que là c'est tout prêt et c'est fourni avec le câble. Ça se branche en USB et ça devrait être compatible avec tout (Mac, PC). Peut-être même avec un smartphone Android ou iPhone, avec un adaptateur USB ou lightning. J'ai commandé un exemplaire pour le tester et un adaptateur USB-lightning. Le fabricant a été sympa, il m'a envoyé le logiciel de programmation en avance, ce qui m'a conforté dans mon choix. J'ai reçu le clavier aujourd'hui et je l'ai testé. Après quelques tâtonnements, j'ai compris son fonctionnement en moins d'un quart d'heure et mes premiers tests fonctionnent. J'ai simulé un des profils existant sur les touches pour me simplifier la vie, et les combinaisons "tordues" fonctionnent aussi. Il faudra voir si ça marche aussi sur mobile... Est-ce vraiment plus rapide ? Tout à l'heure, quelqu'un s'est ému que ce clavier (dont le coût n'est pas négligeable, hélas) ferait de Dragonium un jeu "pay-to-win" où ceux qui ont le clavier magique vont plus vite que les autres. Il n'en est rien : ce clavier enregistre simplement des combinaisons de touches comme des macros ou les touches spéciales des claviers "gamer". Ça va légèrement plus vite que taper la combinaison à la main, mais tellement peu que ça ne change pas grand chose. Et pour les voyants qui utilisent le profil universel où chaque fonction correspond à une seule touche directe, c'est pareil. Taper une lettre au clavier ou taper une touche du clavier Dragonium, c'est toujours une seule touche. On gagne juste en simplicité. La prochaine étape est maintenant de réfléchir à la disposition des groupes de touches sur le clavier afin d'être pratique. Vais-je prévoir plusieurs configurations ? Droitier et gaucher, par exemple ? Je ne sais pas si c'est bien utile. En tout cas, le clavier dispose de 76 touches et 6 configurations possibles pour chacune, grâce à la fameuse serrure qui s'avère être un sélecteur à 6 crans. C'est largement plus qu'il n'en faut. Une fois que ce sera fait, il faudra faire les tests sur tous les systèmes d'exploitation et les navigateurs, réfléchir au mode d'emploi en braille, au marquage éventuel des touches (braille, grands caractères, ou normal), au prix de vente définitif, aux frais de port (le clavier pèse 1600 grammes et vu le coût de l'appareil, ce sera un envoi en recommandé avec indemnisation). Donc ce n'est pas pour demain, mais maintenant c'est du concret. |